En quoi le contexte de la Coupe du monde féminine de football, qui se tiendra cette année en France, est-il vecteur d’égalité ?
L’engouement des Français pour le football n’est pas nouveau. La victoire des Bleus en 1998 puis en 2018 n’a fait que le renforcer. Pour autant, au-delà de la simple performance physique, le sport dans son ensemble doit également être considéré comme un outil au service de la cohésion sociale. Sport populaire par excellence, le football est un support particulièrement efficace pour transmettre des principes d’égalité et de citoyenneté aux plus jeunes. Nous ne pouvions donc pas passer à côté de l’opportunité que représente l’organisation, pour la première fois en France, de cette Coupe du monde féminine. En effet, même si le nombre de femmes licenciées est en constante augmentation, il est encore très loin de celui des hommes (le pourcentage de féminisation du football était de 5,3 % en 2014, NDLR). En outre, et au-delà du développement de la pratique féminine, cette Coupe du monde doit nous permettre de véhiculer des valeurs d’égalité et de respect entre les femmes et les hommes et ce, dès le plus jeune âge.
« Augmenter le nombre de licenciées sur le territoire »
De quelle façon ce projet a-t-il été initié ?
À l’occasion de cet événement mondial, le pôle sport et la déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS) se sont mobilisés, afin de faire de cette Coupe du monde un support de sensibilisation à la lutte contre le sexisme. Une des missions du pôle sport de la DDCS est d’accompagner le mouvement sportif dans sa structuration, en suivant les axes définis par le ministère des Sports, notamment en ce qui concerne l’accès du sport à tous et plus particulièrement aux femmes. Ainsi, le projet proposé répond à une volonté de sensibilisation des jeunes filles à la pratique du football féminin, afin d’augmenter le nombre de licenciées sur le territoire. Il s’inscrit dans une dynamique d’ores et déjà existante au sein des Hauts-de-Seine avec des dispositifs tels que « Mesdames, franchissez la barrière ! », proposé par le district de football et soutenu financièrement par l’État, qui incite les mères à s’investir dans les clubs de football de leurs enfants. De son côté, la déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité a notamment pour rôle de promouvoir une culture de l’égalité et de favoriser la lutte contre les stéréotypes sexistes qui constituent le terreau des violences faites aux femmes.
Un tournoi interclasses les 6 et 7 juin
Concrètement, que proposez-vous dans les Hauts-de-Seine ?
Le ministère de l’Éducation nationale et la Fédération française de football avaient déjà compris l’intérêt du football comme vecteur de transmission de valeurs en créant, il y a cinq ans, le dispositif « Foot à l’école ». En s’appuyant sur la pratique de ce sport emblématique, ce dispositif a pour objectif de favoriser l’appropriation des valeurs républicaines par les plus jeunes. Pour ce faire, des séances de football sont mises en place pour les élèves, avec l’appui d’éducateurs sportifs issus des clubs environnants. Des contenus pédagogiques et ludiques sont également proposés en ligne aux enseignants volontaires. La direction départementale de la cohésion sociale a souhaité s’associer à ce dispositif pour sensibiliser les élèves alto-séquanais et leurs enseignants à la lutte contre les stéréotypes, à la promotion de l’égalité entre les filles et les garçons ainsi qu’au développement de la pratique sportive féminine. Ainsi, elle a élaboré un livret intitulé « Ensemble, luttons contre les stéréotypes ! », composé de notes d’information à destination des enseignants, ainsi que de fiches de jeux et d’activités adaptés aux élèves du cycle III des écoles élémentaires (CM1 - CM2).
Grâce à la dynamique partenariale particulièrement développée dans les Hauts-de-Seine entre la direction académique des services de l’éducation nationale, le district de football et le comité départemental de l’union sportive de l’enseignement du premier degré (USEP92), ce nouvel outil est venu compléter le dispositif préexistant, « Foot à l’école ». En outre, un concours artistique sur le thème de l’égalité permettra aux deux classes lauréates de se voir offrir, par l’USEP92, des places pour assister au match Argentine - Japon qui se déroulera le 10 juin prochain au parc des Princes. Enfin, les 6 et 7 juin 2019, un tournoi interclasses, au cours duquel seront appliquées des règles du jeu permettant de favoriser la pratique féminine du football, sera organisé dans le département. À cette occasion, un diplôme que je cosignerai avec la directrice académique des services de l’éducation nationale sera remis à l’ensemble des participants, afin de les récompenser pour leur engagement en matière de promotion de l’égalité entre les filles et les garçons.
« L’égalité entre les femmes et les hommes est loin d’être acquise »
En quoi des règles du jeu spécifiques permettront-elles de favoriser la pratique féminine du football ? N’y a-t-il pas un risque de stigmatisation des jeunes filles ?
La mise en place d’un capitanat féminin, les remises en jeu effectuées par les filles, la valorisation des buts féminins ou encore, le fait que lorsqu'une fille a le ballon, seule une autre fille puisse le lui disputer, sont des règles qui permettront d’inciter et de faciliter la participation des filles lors du tournoi. Ce règlement offrira aux jeunes joueuses la possibilité d’exprimer leurs capacités sportives et donc de prendre confiance en elles. L’idée n’est pas de les stigmatiser, mais de créer les conditions adéquates pour qu’elles trouvent leur place dans ce sport que, bien souvent, les garçons maîtrisent mieux, puisqu’ils sont généralement encouragés à le pratiquer dès la petite enfance. En outre, cette reconnaissance officielle permettra de sensibiliser les parents des enfants participant au tournoi et de lever ainsi certains freins à la pratique du football par les filles.
Pourquoi, en 2019, est-il encore nécessaire d’œuvrer pour promouvoir l’égalité ? N’est-elle pas déjà acquise ?
Si l’égalité entre les femmes et les hommes est effectivement garantie par la loi aujourd’hui, elle est encore loin d’être acquise. Dans la pratique, l’égalité réelle entre les femmes et les hommes se heurte toujours à des résistances liées à des réflexes sexistes, parfois inconscients, car intériorisés depuis l’enfance. Cette forme de domination, assignant des rôles et des fonctions à chacun des sexes, est présente dans la vie professionnelle comme dans la vie privée. Toutes ses expressions, de la plus anodine à la plus grave, contribuent à justifier une prétendue infériorité des femmes. Pour ne citer que quelques exemples : le revenu salarial des femmes est en moyenne inférieur de 18.6 % à celui des hommes ; au sein des couples, 72 % des tâches domestiques sont réalisées par les femmes ; les femmes sont dix fois plus exposées que les hommes aux injures à caractère sexiste ; une femme décède tous les trois jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. Dans le milieu sportif, une joueuse professionnelle de football gagne en moyenne 90 % de moins que ses homologues masculins. La part des femmes parmi l’ensemble des licenciés par fédération est en moyenne de 37 % contre 63 % pour les hommes. Le pourcentage de retransmission du sport féminin à la télévision est en moyenne de 18 %. Face à ces constats alarmants, le législateur a adopté de nombreuses lois visant à assurer l’égalité entre les femmes et les hommes et à réprimer les auteurs de violences sexistes et sexuelles. Le président de la République a d’ailleurs fait de l’égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de son quinquennat. Mais, c’est dès le plus jeune âge qu’il faut agir. Parce que les enfants d’aujourd’hui seront les adultes de demain, il est essentiel de leur apprendre le plus tôt possible qu’une fille vaut autant qu’un garçon, qu’une femme est l’égale d’un homme. Le jour où davantage de petites filles pourront jouer au football avec les garçons sans être reléguées sur le banc de touche, le jour où les petits garçons pourront faire de la danse sans que l’on se moque d’eux, le jour où une joueuse professionnelle sera payée autant que son homologue masculin, alors nous aurons gagné. Mais, d’ici là, allez les Bleues !