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Koumba Larroque : du talent et des ambitions

Écrit par : Leslie Mucret

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La jeune lutteuse Koumba Larroque a achevé les Championnats du monde avec une médaille d’argent, si près du titre suprême. Une fois remise de sa blessure, elle repartira sur les tapis, où les observateurs lui promettent un bel avenir. Portrait du phénomène de la lutte française.


Il n’a pas manqué grand-chose. À seulement 20 ans, Koumba Larroque est passée à un rien de décrocher son premier titre de championne du monde de lutte chez les seniors, le 24 octobre dernier à Budapest (Hongrie). Une belle attaque de son adversaire, l'Ukrainienne Alla Cherkasova, une blessure au ménisque du pied droit et c’est l’or qui s’envole dans cette finale (15-10 pour l’Ukrainienne), alors que la Française maîtrisait son combat à deux minutes du terme. « Mon objectif principal en senior c’est le titre de championne, donc cette médaille d’agent me frustre », explique Koumba Larroque, à froid, plusieurs jours après l’événement. Malgré ce goût d’inachevé, ce titre de vice-championne du monde dans la catégorie des -68 kg est l’aboutissement d’un beau parcours lors de ces championnats, où la pensionnaire de l’INSEP a dominé ses trois premiers tours et s’est montrée efficace en demi-finale. Mieux, cette médaille marque une progression dans sa jeune carrière, après ses deux titres de championne du monde U23 en 2017 et 2018, le bronze décroché aux Mondiaux en 2017 et l’argent obtenu aux Championnats d’Europe, déjà en 2018. « Je suis fière de son parcours », déclare Virginie Thobor, directrice technique nationale à la Fédération française de lutte. « Koumba ne remporte pas le titre, mais elle a montré qu'elle fait partie des meilleures athlètes internationales. On peut être confiant pour l’avenir, car elle est dans une logique de progression constante ».


Opération des ménisques


Au terme de cette finale, il y a des motifs de satisfaction, mais aussi des regrets, car la lutteuse française menait largement 6-2 avant sa blessure. « Ça m’a fait mal au cœur », confie Nodar Bokashvili, son entraîneur qui joue encore la fin de la confrontation. « Si elle ne s’était pas blessée, elle aurait battu son adversaire. Il aurait fallu qu’elle réagisse une seconde plus tôt, elle aurait pu parer son attaque ». Les larmes de Koumba Larroque, combattant malgré la douleur pendant les dernières minutes de la finale, resteront une image forte de ces championnats du monde. « Je ne voulais pas abandonner », insiste la jeune femme. Blessée au ménisque du genou droit et étant déjà en délicatesse avec le gauche, la lutteuse s’est fait opérer. Sa saison s’est donc terminée le 24 octobre, sans qu’elle puisse défendre son titre aux Championnats du monde U23. « Je vais prendre le temps qu’il faut pour revenir », assure la championne. « Elle va être bien encadrée par le staff médical », promet Virginie Thobor.



« Aucune fille n’a le même talent »


Son retour sur les tapis est prévu pour début 2019, une année charnière. À l’automne prochain, Koumba Larroque pourra à nouveau tenter sa chance pour le titre suprême aux Championnats du monde, tout en essayant de décrocher au cours de l’année son ticket pour les Jeux olympiques de 2020 à Tokyo. Nodar Bokashvili est catégorique. « Je suis sûr et certain qu’elle remportera le titre de championne du monde ». L’entraîneur d’origine géorgienne s’y connaît en grands lutteurs, pour avoir coaché 12 champions du monde et deux olympiques. « Aujourd’hui, aucune fille n’a le même talent qu’elle ! Elle a le caractère, le physique, l’explosivité et l’intelligence ». Et, quand Nodar Bokashvili affirme cela, il ne pense pas uniquement aux filles en 68 kg, mais « dans toutes les catégories ! » Cette conviction, l’entraîneur l’a acquise avant même l’entrée de la lutteuse à l’INSEP en 2016. « Déjà en cadette, elle venait avec nous sur les stages des seniors, rappelle-t-il. Forcément, on a très vite compris ce qu’elle allait devenir. On a pu commencer à travailler ». Pourtant, du propre aveu de Koumba Larroque, elle n’était pas très forte à ses débuts à 9 ans. Celle qui a découvert la lutte dans la sphère familiale, en suivant ses deux grands frères adeptes de ce sport, a bien évolué depuis son entrée au pôle espoir. « On n'a vu mon potentiel que depuis trois ans ».



« Il faut que j’améliore partout »


À 20 ans, la jeune lutteuse dispose encore d’une marge de progression. « C’est un sport où même en fin de carrière, on peut continuer à s’améliorer, à développer de nouvelles tactiques. Même une grande championne apprend toujours », complète Nodar Bokashvili. « Il faut que je m’améliore partout, que ce soit à la défense au sol, à la technique, au cardio, estime pour sa part la première concernée. J’ai assez de temps pour travailler tout un ensemble ». Afin de développer ses compétences et à terme se parer d’or, la jeune fille dispose d’un programme individualisé et participe à des stages spécifiques. « Nous mettons en place une stratégie d’entraînements avec des coaches internationaux, détaille Virginie Thobor. Nous ciblons les compétences recherchées et nous accueillons des partenaires d’entraînements ». La fédération permet également à la lutteuse de multiplier les stages à l’étranger, pour découvrir d’autres styles et trouver des solutions face à toutes les attaques. « La pluralité des entraînements est importante, car un sportif progresse en travaillant avec tous types de combattants », poursuit la DTN. La progression de Koumba Larroque passe également par des confrontations avec des garçons.



« Quand elle veut quelque chose, elle l’a »


Un avenir radieux semble donc s’ouvrir à la jeune femme, à entendre Nodar Bokashvili, dithyrambique : « Elle a envie de gagner, elle est déterminée. Sans caractère, on ne peut pas réussir dans un sport de combat. Quand on parlait avec elle en cadette, c’était comme s’adresser à une personne de 30 ans. Elle avait déjà tout planifié, elle réfléchissait comme une adulte. Elle sait ce qu’elle va faire et va tout mettre en œuvre pour y parvenir. À chaque fois qu’elle veut quelque chose, elle l’a. Il y a peu de filles de son âge qui arrivent en sachant ce qu’elles veulent ». En parallèle des compétitions et de ses entraînements à l’INSEP, Koumba Larroque suit des études de kinésithérapeute. « C’est un peu compliqué, avoue-t-elle. Je prends des cours à distance et je peux faire ma première année en trois ans, car je bénéficie d’une dérogation pour les sportifs de haut niveau. C’est important, car je ne sais pas si je vais continuer la lutte après 2024 et ce sport ne paye pas beaucoup. Je continue mes études pour être en sécurité une fois ma carrière sportive achevée ». Forte d’un palmarès déjà bien fourni et sérieuse à l’entraînement, Koumba Larroque est le fer de lance de l’équipe de France de lutte. « Elle est un exemple, une idée d’identification », confirme Virgine Thobor. « La logique de la fédération est de rapprocher le haut niveau des jeunes, des sportifs dans des petits clubs et des non-pratiquants. Koumba joue le jeu en se déplaçant pour des interventions dans des clubs, en signant des autographes. Elle motive les jeunes ». Ses performances et son engagement peuvent pousser de nouvelles jeunes filles à se mettre à la lutte et, qui sait, découvrir de nouvelles pépites…


La bio express de Koumba Larroque, qui s’est hissé à la cinquième place lors des Championnats du monde à Budapest, pour sa première participation à ce niveau.


La RATP en soutien


Afin de réaliser ses rêves de titres, Koumba Larroque est accompagnée par ses entraîneurs, sa fédération, mais aussi, plus insolite, par la RATP, via le dispositif « Athlètes de Haut Niveau » depuis juin 2017. « Le principe est d’aider des athlètes, qui ne vivent pas de leur sport ou qui sont issus d’une discipline peu médiatisée, à conjuguer au mieux carrière sportive et projet professionnel », explique Nicolas Martin, responsable des partenariats sportifs à la RATP. « Nous soutenons et accompagnons Koumba, car elle illustre le talent des jeunes athlètes français. Au-delà d’un soutien financier, elle profite de l’expérience de l’ensemble des athlètes de haut niveau de la RATP ». La lutteuse bénéficie d’un contrat d’image de 4 ans qui, selon son profil, peut l’amener à intégrer progressivement l’entreprise. Le réseau de transports n’en est pas à son coup d’essai avec la lutte, ayant déjà accompagné neuf combattants depuis la création du dispositif en 1982.


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