« Je suis salarié du club, mais je suis peut-être le seul en France à avoir cette chance. L'immense majorité des joueurs de futsal travaillent à côté et doivent concilier le sport et le travail. Dans les trois derniers pays où j'ai joué, en Espagne, en Italie et en Angleterre, même si c'était un cas exceptionnel en Angleterre, tous mes coéquipiers étaient professionnels. C'est compliqué pour les autres joueurs de la sélection ; il faut faire des concessions. Même s'il y a des conventions entre la FFF et des employeurs, certains sont obligés de prendre des congés sans solde, c'est difficile ». Kévin Ramirez a pleinement conscience de la chance qu’il a. Joueur d’Accès Futsal depuis quelques mois, l’international français est en effet l’un des seuls en France à pouvoir vivre de sa passion. Une véritable problématique pour une discipline pourtant en pleine évolution. En témoigne la récente et première qualification des Bleus pour un Championnat d’Europe. « C'est une accélération de l'histoire. Même si nous avons toujours progressé lentement mais sûrement, nous n'avions jamais gagné autant de places au classement mondial (14, NDLR). En partant de tout en bas, jamais une nation n'avait réalisé un tel exploit. Nous sommes dans une position incroyable, un peu comme en Coupe de France quand un club de National 2 rencontre une Ligue 1. Ce que les joueurs ont fait est extraordinaire », explique Pierre Jacky, le sélectionneur national.
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Des clubs souvent en grande difficulté
Il faut dire qu’avec leur victoire historique face à la Croatie, pourtant une très bonne nation européenne, les Bleus ont accompli un véritable exploit, qui devra servir de base de travail et de rampe de lancement pour le développement de la discipline. Et pourtant, malgré ce résultat historique, le futsal français peine à se développer. Si les bons résultats de la vitrine sont évidemment très importants dans un projet de développement, les clubs sont souvent en grande difficulté. Financièrement et même au niveau des installations, les obstacles sont nombreux. « Quand on voit les résultats de la sélection, on s'aperçoit que le niveau augmente, mais les difficultés restent les mêmes. La Fédération ne fait pas encore suffisamment de choses, ne serait-ce que pour les petites catégories. Il y a encore énormément de points à améliorer, notamment pour nos jeunes. Il ne faut pas oublier que, si la sélection a brillé, c'est grâce aux clubs qui ont permis aux joueurs français de progresser. La Fédération doit nous aider, elle doit mettre les moyens », revendique Jaoad Assaid, président du Kremlin-Bicêtre United.
La médiatisation, un enjeu essentiel
Vice-champion de France en 2017, le club francilien livre un début de saison exceptionnel en D1. Une entame qui n’empêche pas le club, comme bon nombre d’autres en France, de devoir faire face à de nombreuses difficultés. « C'est très difficile pour les clubs. Un sponsor investira s'il y a de la visibilité, c'est ce qu'il nous manque aujourd'hui. Pour moi, la clé de la professionnalisation du futsal, c'est la télévision. Dans tous les pays professionnels, les matchs sont télévisés. Et, quand c'est le cas, les sponsors viennent, et les clubs ont donc les moyens pour se développer et évoluer. Il n'y a pas de recette miracle. Malgré internet et tous les réseaux, rien ne remplace la télévision ». Cette problématique, évoquée par Jaoad Assaid, est partagée par la très grande majorité des observateurs de futsal. Si le niveau et l’attrait pour la discipline augmentent depuis quelques années, le manque de médiatisation est effectivement un réel frein à l’évolution de la discipline.
Former au mieux la nouvelle génération
Un développement que tente pourtant d’initier la Fédération Française de Football depuis plusieurs mois. « La Fédération avait un programme de développement dans les cartons ; la performance de la sélection ne va faire que l'accélérer. Même si la vitrine est importante, la formation des jeunes ou encore des éducateurs sera un chantier essentiel. En plus du diplôme de futsal base déjà présent dans toutes les Ligues et les Districts, nous allons travailler dans les deux ou trois ans sur un diplôme 100% futsal », explique Pierre Jacky, rejoint par Kévin Ramirez :_ « On va prochainement avoir une réunion avec Noël Le Graët, qui a dit qu'il nous accompagnerait. On parle de contrats fédéraux, cela peut être une solution, mais il faut que les clubs soient structurés et puissent les supporter. Former au mieux la nouvelle génération sera également indispensable »_. Comme dans toutes les disciplines, la formation sera effectivement un vecteur de développement essentiel. D’autant que les chiffres prouvent que le futsal a clairement un rôle à jouer vis-à-vis des plus jeunes. « Il y a un réel attrait ; on sait que le futsal est l'activité numéro un à l'UNSS. Nous avons dépassé le handball il y a deux ans, cela prouve qu'il y a quelque chose de très intéressant à faire », se satisfait le sélectionneur français.
Un chemin encore très long…
Désormais enclenché, le processus de développement du futsal devrait porter ses fruits dans les prochaines années. C’est en tout cas ce que souhaite et espère la grande famille du futsal tricolore. « J'ai l'espoir, mais je pense que cela va prendre du temps. Il ne faut pas sauter les étapes et, même si nous ne sommes que semi-professionnels au début, il faut que la discipline évolue et que la médiatisation arrive. Elle a un rôle énorme, on en a besoin, car sans elle les sponsors ne viendront pas. Les choses avancent petit à petit, mais il faudra du temps », explique Kévin Ramirez, soutenu par Jaoad Aissad. « On a espoir, mais le chemin est encore très long. Il faut que la FFF continue à travailler sur le futsal, elle a mis le paquet sur le football féminin il y a quelques années. C'est désormais sur le futsal qu'elle doit miser, il faut aider la discipline, car il y a un réel engouement et une vraie attente ». Les pistes de développement sont effectivement nombreuses, et notamment via la médiatisation et la formation. Ces enjeux, la Fédération semble les avoir compris, comme le confirme Pierre Jacky : « Je pense qu'à moyen terme, le futsal français pourrait devenir professionnel. Il ne faut pas forcément imiter un modèle en particulier ; nous pouvons écrire un modèle propre au futsal français. Il y a beaucoup de choses à faire, comme les contrats fédéraux qui devraient arriver dans les prochaines années, ou encore la mise en place d'une licence club. Nous allons continuer à travailler pour le bien de la discipline et faire en sorte qu’elle se développe ». Du 30 janvier au 10 février, l’équipe de France disputera le premier Championnat d’Europe de son histoire. L’occasion de briller et de donner envie aux jeunes de se tourner vers une discipline qui devrait avoir un rôle important à jouer dans les prochaines années. C’est le moment ou jamais, l’enjeu est énorme…