La saison vient tout juste de s’ouvrir et vous venez de remporter le géant d’ouverture. Quel est votre sentiment après cette première épreuve ?
C’est une fierté d’avoir pu gagner cette course pour l’ouverture de la saison sur cette piste renommée. Cette victoire est importante, elle montre que le travail effectué cet été est payant, sur les plans technique, physique et mental. C’est important, parce que la manière d’aborder une course est déterminante pour moi. Je suis donc très contente de cette première étape.
Quels sont vos objectifs pour cette nouvelle saison ?
Je n’aime pas parler d’objectifs. Bien entendu, je veux des résultats, remporter des titres, gagner des médailles, mais ce que je souhaite avant tout c’est m’exprimer pleinement, skier à mon meilleur niveau et me faire plaisir. La victoire passera par là !
Quel regard portez-vous sur votre saison passée ?
C’est une saison en demi-teinte avec de bons résultats, mais elle a été ternie par les Jeux olympiques. C’est dommage, j’en suis sortie avec beaucoup de déception et une grande frustration qui m’ont suivie jusqu’à la fin de la saison. Ça a été difficile jusqu’à son terme. Il a fallu digérer ces contre-performances. Après tout ça, j’ai réussi à relativiser et à passer à autre chose. J’avais besoin de prendre du recul, de me reposer. Quels que soient les résultats, une saison me prend toujours beaucoup d’énergie.
« L’enjeu est de gérer mes émotions »
Quels enseignements en avez-vous tirés ?
J’ai bien analysé ma manière d’aborder mes courses. J’ai compris que j’avais besoin de beaucoup de repères, de faire les choses très simplement, pour être la plus sereine possible. C’est comme ça que j’arrive à être performante. Ce qui s’est d’ailleurs vérifié sur l’ouverture de la saison à Sölden. Or, en cette saison de Jeux olympiques, j’avais beaucoup d’attentes personnelles, j’avais à cœur de réussir mes jeux. J’avais une envie de réussite qui était trop lourde à porter, c’était quelque chose de trop présent. J’ai pratiqué un ski qui était bon, mais qui a été un peu gâché par des crispations qui m’ont fait perdre de la spontanéité. Ce n’est pas quelque chose de nouveau, mais qui se fait sentir de plus en plus fort, quand on est attendu après une excellente saison.
Avez-vous réussi à trouver le grain de sable qui a pu enrayer la machine ?
J’étais arrivée prête aux Jeux olympiques, avec une préparation idéale. Physiquement et techniquement, je me trouvais très bien. J’ai compris que l’enjeu pour moi se situe sur le temps et la gestion des émotions. Parfois, il suffit d’un rien. Notre course avait été décalée de quelques jours ; j’ai l’impression que ça a fait monter mon stress plus rapidement que je ne l’aurais imaginé. Je me suis sentie surprise et démunie à ce moment-là. Tout ça se joue sur des détails : en un quart de seconde en première manche, je fais quelque chose qui ne me ressemble pas, qui est moins sûr, moins engagé, ce qui occasionne une faute qui me pénalise. Cette faute était due à ma concentration qui n’était pas maîtrisée. Ensuite, je me retrouve en seconde manche, mais c’est déjà trop tard… Dès la fin de la première manche, j’ai compris que je n’étais pas dans mon état de concentration habituel. C’est frustrant et dommage que ça arrive un jour qui n’a lieu que tous les quatre ans. C’est ça qui est dur à vivre.
« Vivre le moment présent »
Comment fait-on pour retrouver la confiance pour les prochaines compétitions ?
La victoire, ça aide !... Je n’ai jamais douté de ma capacité à rebondir. J’ai déjà montré par le passé que je savais gérer ce genre d’événements, ce qui s’est confirmé avec cette première victoire en ouverture de saison. J’ai ça en moi. J’ai axé ma préparation sur le physique, la technique, mais aussi sur la préparation mentale. Techniquement, on a poursuivi notre travail sur la même lancée. La confiance, on la trouve dans le travail qui prépare une course. Plus globalement, c’est surtout un état que je recherche. Un état de concentration et de sérénité qui me permet de me sentir dans une bulle à l’abri de tout le reste.
Comment travaillez-vous l’aspect mental ?
J’y attache une grande importance au quotidien, et c’est un axe de travail que je souhaite approfondir. Une voie dans laquelle je vais m’investir davantage, pour apprendre notamment à vivre le moment présent et à ne pas trop me projeter dans des objectifs trop pesants. L’enjeu, c’est de vivre ma saison avec le plus de simplicité et le plus sereinement possible. C’est une démarche très personnelle pour découvrir au mieux mes modes de fonctionnements. Je travaille sur plusieurs aspects, notamment sur la méditation, mais aussi au travers de plusieurs personnes qui m’aident sur des aspects précis.
Votre parcours s’est construit aussi dans la douleur avec une grosse blessure au genou. Se reconstruire et reconquérir un titre après une longue blessure, est-ce quelque chose de plus fort que le premier titre ?
Je pense que le deuxième titre a été plus fort que le premier, parce qu’il y a eu la blessure entre-temps, mais surtout parce que c’est un objectif que j’avais décidé et programmé. En 2013, je voulais énormément ce premier titre, mais j’étais moins maître de mon ski et de ma carrière. La maturité et l’expérience au fil des années m’ont fait prendre conscience de mes objectifs. Quand on programme une victoire et qu’il y a l’aboutissement d’un titre derrière… c’est particulièrement savoureux !
« Le cap reste le même »
Il y a eu un changement de coaches à l’intersaison. Comment avez-vous vécu cela ?
On est arrivé à la fin d’une saison olympique qui marque souvent la fin d’un cycle. Il y a eu des discussions avec nos anciens entraîneurs, qui sentaient eux aussi de leur côté qu’ils étaient arrivés au bout d’une histoire. Il y avait la nécessité d’opérer des changements. Personnellement, mes deux dernières saisons ont été les plus belles de ma carrière ; on avait une entente et une communication avec le staff extrêmement bien rodées. Ils m’ont aidée à atteindre mes objectifs les plus hauts. Ce n’est donc pas évident de se quitter. On ne sait pas comment va se passer la suite, ni pour eux ni pour nous. Mais il y avait cette sensation partagée par nous tous d’être arrivés au bout de nos objectifs. La transition s’est ensuite très bien opérée. Et, la nouveauté, c’est vraiment quelque chose dont on avait besoin.
La bio express de Tessa Worley
Qu’est-ce qui a changé depuis ?
Il y a eu une restructuration au niveau des groupes. On a travaillé cet été sur un groupe plus resserré, où on a fait un travail très qualitatif. Tous les entraîneurs ont changé, ainsi que les chefs de groupe. La vision, l’approche et le discours sont forcément différents, avec une notion de plaisir particulièrement marquée. En revanche, le cap, lui, reste le même.
Vous étiez championne du monde il y a deux ans. Vos concurrentes se disent que vous êtes la fille à battre. Comment gérez-vous ce statut ?
Je n’y réfléchis pas, ou plutôt je l’inverse. En tant qu’athlète, je vois aussi les autres en tant que filles à battre. Même si j’ai un titre à défendre, je préfère voir les choses à l’inverse dans le sens de la conquête. Je ne souhaite pas défendre un titre, mais plutôt aller en chercher un. Défendre un titre, c’est se mettre sous pression…
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