Santé

Dr Christian Recchia

« Il faudrait faire du sport tous les jours »

Écrit par : Marianne Quiles

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Médecin interniste, ambassadeur Sport-santé de l’UNSS, le Dr Christian Recchia s’investit dans la sensibilisation et la prévention depuis 35 ans. Il pointe les enjeux sociétaux d’une pratique sportive régulière et à tout âge.

Malgré les moyens mis en place par l’État, notamment les programmes de promotion de santé par le sport, la communauté médicale alerte sur les cas d’affections de plus en plus fréquentes, qui touchent des sujets de plus en plus jeunes, au nombre desquelles le diabète et l’athérome (dépôt de différents éléments dans la paroi interne de l’intima (artère), NDLR). « Les pathologies métaboliques explosent. Les jeunes de moins de 25 ans préparent aujourd’hui leurs maladies cardio-vasculaires de demain. Le potentiel vasculaire des enfants de moins de 10 ans, c’est-à-dire la capacité à supporter un effort physique, comme monter un escalier à vive allure, a chuté de 25 % ces vingt dernières années », explique le Dr Recchia. Il insiste sur le paradoxe de notre époque : nous avons toujours plus de connaissances sur les bienfaits du sport, et pourtant nous assistons à une augmentation de la sédentarité, avec son cortège de maux touchant la colonne vertébrale, le bassin, la respiration... Il cite le cas des enfants qui, restant trop longtemps chez eux devant les écrans sans bouger, prennent du poids : « Même quand ils vont se promener, certains utilisent des trottinettes électriques. L’effort physique est alors inexistant », déplore-t-il. On sait pourtant que le sport est un « ascenseur » neuronal et métabolique, créant des réseaux neuronaux et stimulant les récepteurs d’insuline. Il diminue le stress et augmente le relâchement, des situations profitables aux jeunes qui font des études et qui les aident à réussir.


« Les Français ne font pas assez de sport »



Christian Recchia tente de faire comprendre aux familles que le sport pratiqué à l’école ne suffit pas. « En tant que médecin, j’ai toujours considéré que les Français, quel que soit leur âge, ne faisaient pas assez de sport. On devrait pratiquer l’activité physique comme on pratique le français ou les maths. Une heure par semaine dans un club ne suffit pas, il faut en faire tous les jours », déclare-t-il. Un cours d’une heure d’EPS est largement amputé par le temps passé dans les transports entre l’établissement et le stade ou la piscine. Au collège, les élèves bénéficient certes de quatre heures hebdomadaires d’EPS, mais ce volume horaire ne concerne que les jeunes entre la classe de 6ème et la fin de la 3ème. En primaire, ce sont les instituteurs qui sont en charge du sport, mais ils ne sont pas spécialisés. Ensuite, au lycée, il y a beaucoup de défections. Son idée-choc : il préconise cinq heures d’activité physique hebdomadaires, en plus de l’EPS obligatoire. « Ce chiffre peut sembler élevé, mais en fait il est ridiculement bas : il ne représente que deux demi-journées où les enfants sortiraient de chez eux, par exemple les après-midis du mercredi et du samedi », affirme-t-il.



Sport à tous les âges et dans toutes les situations. Le sport a bien sûr toute sa place au sein de l’entreprise, malgré l’ancienne « On n’a pas le temps ». Là aussi, le Dr Recchia multiplie les séminaires de sensibilisation et porte la parole du Sport-santé. Certaines grandes entreprises (Michelin, Thalès, Auchan…) arrivent à constituer des petits groupes réguliers et motivés. « Les petites structures ne sont pas en reste car, si le dirigeant est sportif, il apporte un intérêt et une matrice intellectuelle dès le départ. C’est lui qui impulse le mouvement », précise-t-il.


Le sport comme un patrimoine à transmettre



Ambassadeur Sport-santé de l’UNSS, le Dr Recchia parraine les programmes santé à venir de la Fédération scolaire, qui tournent autour de l’éducation, de la prévention, et de la sensibilisation en actes. Il apporte également son expertise à la construction des outils autour du « manger mieux, boire mieux » à destination des licenciés. À côté de l’EPS obligatoire au sein de l’Éducation nationale, l’UNSS propose 105 activités en complément. « Ce choix est génial. Avant on faisait surtout de l’athlétisme », s’enthousiasme Christian Recchia. Les 30 000 professeurs d’EPS sont de potentiels ambassadeurs du Sport-santé auprès des 1,25 million d’adhérents, ils reçoivent des formations dans le cadre de l’UNSS. Christian Recchia a ainsi animé des sessions à Niort, Joinville, Reims, Lille…, dans le but de transmettre des informations dans le domaine de la physiologie et des effets du sport sur le corps humain, sur la nutrition, le sommeil. Si les enfants sont membres de l’UNSS, les parents peuvent également s’intégrer et participer à la vie de l’association au sein de l’établissement. Certains enseignants en profitent pour les sensibiliser à la prévention. Le Dr Recchia imagine que les adultes accompagnant leurs enfants aux séances du mercredi après-midi pourraient eux aussi bénéficier d’activités physiques, par exemple sur un terrain attenant. « J’ai un parti pris d’ordre spirituel : je vois le sport comme un patrimoine à transmettre au sein des familles, le courant circule dans les deux sens, de parents à enfants et d’enfants à parents. Par ailleurs, les enfants sportifs servent de prescripteurs auprès de leurs amis non pratiquants, comme veut le promouvoir l’UNSS. On crée ainsi une chaîne », explique-t-il.


S’inscrire dans un équilibre alimentaire



La vision de la médecine sur le sport a changé et est devenue plus dynamique. Avant, on pensait qu’une entorse nécessitait un arrêt de 6 semaines, ce qui faisait perdre 2 ans d’entraînement. Aujourd’hui, le patient commence à se remettre en mouvement très rapidement après une blessure. Le Dr Recchia évoque la possibilité donnée aux médecins de délivrer une ordonnance de Sport-santé : « C’est une bonne chose, estime-t-il. Au début, les patients sont souvent surpris, car ils ne maîtrisent pas forcément ces questions et ne s’attendent pas à sortir de leur consultation avec ce genre d’ordonnance ».



La nutrition joue par ailleurs un rôle important dans le sport. Les interventions de Christian Recchia portent notamment sur la combinaison alimentation-sommeil-sport. Selon lui, chaque individu devrait s’inscrire dans un équilibre alimentaire. Cette idée regroupe le plaisir de manger, le fait de savoir cuisiner et d’adapter ses besoins par rapport à son activité physique. Mais le profil d’alimentation est complexe et différent pour chaque individu, en fonction de son degré d’activité physique et de son niveau dans celle-ci.