Sport pro

Le cyclisme

Équipier modèle pour la reconversion des sportifs de haut niveau

Écrit par : Romain Daveau

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« Le secteur professionnel est plutôt bien organisé »

Dans un environnement ultra concurrentiel et précaire, prendre la roue d’une formation est devenu un besoin presque vital pour les coureurs professionnels. Avec l’accompagnement au double projet sport et études, la Fédération française de cyclisme se veut le partenaire idéal.

Pour tout jeune coureur, la tentation est grande de sprinter tête baissée vers le seul cyclisme de compétition, sans assurer ses arrières. Mais, dans un monde où les carrières sont courtes et les certitudes de se garantir un après sans nuages sont modestes, le besoin de concilier sport professionnel et études est primordial, voire vital. Car, excepté pour une minorité d’athlètes habitués à aller chercher les places hautes du Tour de France ou des plus grands championnats mondiaux en équipe de France, les chances sont minces de vivre exclusivement du vélo, qu’il soit sur piste, de route, urbain ou freestyle. L’épanouissement personnel de cyclistes, qui s’entraînent intensément presque douze mois par an tout au long de leur carrière, passe aussi par la possibilité d’un à-côté, d’une formation ou d’un métier qui leur permettent d’envisager plus sereinement l’avenir.


Proposer un projet de vie


Le BMX fait partie des disciplines à maturité tardive


Conscients de leur devoir d’accompagnement des athlètes de haut niveau, la Fédération française de cyclisme (FFC) et Michel Callot sont pleinement concernés par leur rôle. « Penser à la reconversion c’est trop tard quand l’athlète arrive en fin de carrière. On doit donc se pencher dessus au plus tôt, dès qu’un jeune commence à exprimer son potentiel, explique le président de la FFC élu en mars 2017. On doit alors lui proposer un « projet de vie ». On comprend bien que, pour un athlète qui peut potentiellement décrocher une médaille aux Jeux olympiques ou être champion du monde, le projet sportif occupe beaucoup de place. Mais l’intérêt de notre institution est de faire en sorte qu’il en reste un peu pour ce qui va préfigurer un avenir professionnel à plus long terme. C’est ça, le double projet ». Car c’est ici l’enjeu principal, celui de s’assurer un avenir après le vélo et d’acquérir un bagage scolaire et professionnel suffisamment solide pour se reconvertir par la suite, dans le cyclisme ou non. Et pas forcément en tant que consultant médias ou manager d’une équipe, des postes atteignables seulement par une infime minorité. Le Français Thomas Voeckler, par exemple, meilleur coureur de la Grande Boucle de 2012, aujourd’hui ambassadeur et consultant pour la télévision, possède également un BTS Force de vente. « Il y a une nuance à faire concernant le cyclisme. On a un secteur professionnel à proprement parler, où les coureurs sont dans une équipe qui s’apparente à une entreprise, avec à sa charge les mêmes obligations qui en découlent en termes de formation, d’activité salariée…, poursuit Michel Callot. Et, quand on regarde le secteur professionnel français, il est plutôt bien organisé, avec un syndicat, l'UNCP, qui prend en charge cette phase de transition entre la fin de carrière du coureur cycliste sur route et sa reconversion ».


« Peser sur leur projet de vie »


Sur piste, les jeunes potentiels sont connus dès qu’ils ont 17 / 18 ans


Là où le souci de la reconversion est souvent le plus problématique, c’est dans les disciplines telles que le VTT, le BMX, la piste ; des disciplines à maturité tardive où les athlètes transitent et font leur carrière à travers l'équipe de France, qui est le moyen pour eux d’exister au plus haut niveau. « Dans ces autres disciplines, on connaît les jeunes potentiels quand ils ont 17 / 18 ans, et c’est là que l’on doit être en mesure de peser sur leur projet de vie. Pour équilibrer les choses entre le sportif et la formation, j'ai souhaité à l'organisation de la Direction technique nationale qu'on ait avec Séverine Maillet (ancienne sportive de haut niveau en VTT cross-country responsable du suivi et de la liste reconversion des athlètes, qui a accompagné 63 cyclistes depuis le début de l’année, NDLR) quelqu’un qui se préoccupe uniquement de l’accompagnement : celui de l’étude d’abord pour les cyclistes espoirs, puis du professionnel et éventuellement de la reconversion ». Lancée en novembre 2017 à Annecy par Paul-Henri de Le Rue, champion olympique de snowboard, et Jean-Philippe Demaël, ancien dirigeant de Somfy, la jeune entreprise Double Mixte va dans ce sens. Cette start-up aide la Fédération française de cyclisme, mais aussi de ski, à la réalisation du double projet en mettant en relation des sportifs et des chefs d’entreprise pour faciliter les reconversions, tout en faisant partager les valeurs et compétences acquises à travers le sport. « Le monde de l’entreprise et celui du sport ont énormément de choses à s’apporter, s’ils communiquent, poursuit Michel Callot. Et il faut mettre nos athlètes en position de pouvoir s’acclimater à ces entreprises, mais aussi leur apporter beaucoup en termes de valeurs, de renommée ou de réseau. C’est un pari qui peut bénéficier aux deux parties ».


Une aide personnalisée pour accompagner les sportifs


« La discipline ne peut pas suffire à un sportif de haut niveau pour s’épanouir »


Sur le même principe que le Double mixte ou le Pacte de performance du ministère des Sports, la FFC souhaite inviter des chefs d’entreprise au Vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, écrin flamboyant et fief du cyclisme tricolore, pour les mettre en relation avec des sportifs. Côté financier aussi, les cyclistes ne sont pas laissés sur le côté de la route. La Fédération, qui doit « la jouer malin, lorsqu’il s’agit pour le double projet de prendre sur ses fonds propres », accompagne en parallèle ses athlètes en les plaçant sur la liste « athlète de haut niveau en reconversion », ce qui leur permet de bénéficier d’une aide financière personnalisée tout au long de leur carrière, soutenue par la direction régionale et des dispositifs ministériels. La bourse « Solidarité olympique » Tokyo 2020 du CNOSF octroie également, depuis septembre 2017, un pécule de 600 euros par mois à certains sportifs sélectionnés jusqu’aux dits Jeux. Forts de ces aides, les athlètes acquièrent alors un équilibre social essentiel pour performer tout au long de leur carrière. Car, en pratiquant le vélo, et en ne faisant que cela, se déconnecter peu à peu du reste et des autres est vite arrivé. Là, les études et les formations permettent aux coureurs de trouver une occupation, de côtoyer autre chose et de s’approcher d’une harmonie émotionnelle qui n’est pas non plus à négliger pour être bien dans sa peau. « Combiner le sport et un projet professionnel ne se fera jamais à cinquante-cinquante ; un choix se fera forcément selon le calendrier d’entraînement et de compétitions de l’athlète. Mais, c’est sûr, la discipline ne peut pas suffire à un sportif de haut niveau pour s’épanouir et avoir l’esprit serein », conclut le président. Car le cycliste d’aujourd’hui se doit d’avoir la tête bien faite…


Le Pacte performance du ministère des Sports