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Le sport français doit changer

Écrit par : Olivier Navarranne

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À l’image du PSG, la Ligue nationale de handball est un exemple à suivre pour les autres disciplines (© Icon Sport)

Avec la baisse progressive des subventions publiques, le sport professionnel français doit apprendre à changer. Depuis plusieurs années, certaines disciplines ont entamé une profonde mutation, tandis que d'autres ont beaucoup plus de mal à évoluer.

Un budget du Centre national pour le développement du sport (CNDS) divisé par deux et un budget du Ministère des Sports en baisse de 6,2 % : l'année 2018 n'enchante pas vraiment les clubs, fédérations et ligues. « Aujourd'hui, de très nombreux clubs ont des difficultés à régénérer leurs ressources privées. Pourtant, face à la baisse des aides publiques, cela devient nécessaire. Il y a donc une prise de conscience concernant la nécessité de changer de modèle », explique Antony Thiodet, fondateur et dirigeant de la société Time for Biz. « Depuis 2016, nous proposons un accompagnement concernant le redéploiement des ressources commerciales des clubs. Cela consiste en des audits de situations et des conseils en développement, notamment. On travaille avec toutes les disciplines, on a des partenaires en Ligue 1 et en Ligue 2, en TOP 14, mais aussi en handball, en volley, en basket, en hockey sur glace... le panel de clients est assez large. C'est aussi ce qui rend la mission exaltante ». Une mission... impossible ? « Aujourd'hui, convaincre de changer de modèle est difficile, mais nécessaire. Toutes les disciplines perdent de l'argent, car elles n'ont pas fait les efforts nécessaires pour développer les ressources privées de manière équilibrée. Le football et le rugby sont les sports qui se sont affranchis de la dépendance au secteur public. Mais ces deux disciplines sont désormais dépendantes des droits télévisuels ». Des droits en constante augmentation : en dix ans, ils sont passés de 30 à 97 millions d'euros pour le TOP 14. Sur la même période, la Ligue 1 est passée de 668 millions à 1,135 milliards d'euros à partir de 2020. « Pour le football, la question se pose : malgré ces droits télévisuels, le foot français arrivera-t-il à générer suffisamment de ressources pour combler son déficit ? Ce n'est pas certain », s'interroge Antony Thiodet. En effet, malgré un chiffre d'affaires de 1,863 milliards d'euros selon les derniers chiffres de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), le football professionnel français voit ses clubs toujours pénalisés d'un déficit d'exploitation de 334 millions d'euros. En rugby, le déficit d'exploitation cumulé des clubs de TOP 14 et de PRO D2 est évalué à 28,3 millions d'euros sur la saison dernière.


« Toutes les disciplines perdent de l'argent »


Le basket aujourd’hui ne peut soutenir la comparaison avec le football et le rugby en termes financiers (© Icon Sport)


« Aujourd'hui, le modèle économique le plus pérenne est celui du handball », poursuit Antony Thiodet. « C'est un sport qui a pu compter sur un développement des partenariats, mais aussi sur l'émergence de salles nouvelles générations pour accroître ses revenus de billetterie ». En effet, aujourd'hui, un club de Lidl Starligue voit, en moyenne, son budget dépendre à 51 % des partenariats, à 12 % des recettes des matchs et à seulement 5 % des droits télévisuels. Preuve que le handball est aujourd'hui le sport le plus « sain » économiquement, car moins dépendant des fluctuations des droits TV. « En revanche, le basket se caractérise par une certaine stagnation », constate Antony Thiodet. « Sur les dix dernières années, le budget moyen des clubs n'a augmenté que de 12 %, alors que ce chiffre a plus que doublé pour le handball. Le basket a fantasmé sur la perspective de générer des droits télévisuels très importants. Il a longtemps cru pouvoir créer un modèle semblable au rugby et au football, mais cela n'a pas été le cas et a conduit le basket dans une impasse ». Depuis 2015, la Ligue nationale de basket bénéficie de 10 millions d'euros de revenus de droits télévisuels par an. Une somme en effet dérisoire par rapport au football et au rugby. Aujourd'hui, la situation nette cumulée de la Jeep® Élite, la première division du Championnat de France, dépasse légèrement le seuil des 5 millions d’euros. « Plus que toutes les autres, le volley-ball est aujourd'hui une discipline qui aurait vraiment besoin de repenser entièrement son modèle », révèle le dirigeant de Time for Biz. Selon les derniers chiffres de la Direction nationale d'aide et de contrôle de gestion (DNACG), les produits d'une saison de la Ligue nationale de volley sont estimés à un peu plus de 35 millions d'euros... dont seulement 3 % provenant de la billetterie et 64 % des subventions publiques. Avec une telle répartition, et un résultat net moyen des clubs déficitaires, la marge de manœuvre du volley-ball professionnel français demeure aujourd'hui très limitée.


Le PSG comme modèle


Malgré la hausse des droits TV depuis dix ans, le déficit d’exploitation des clubs de TOP 14 et PRO D2 est bien réel (© Icon Sport)


« Les clubs avec lesquels on travaille, et qui ont le courage de changer de modèle, en récolteront les fruits dans cinq ans », assure Antony Thiodet. « C'est un travail sur le moyen et long terme, et c'est ce qui fait peur à de nombreux clubs. Car, dans le sport, on attend des résultats immédiats, d'une saison à l'autre, voire d'un match sur l'autre ». Les clubs doivent donc devenir plus patients et apprendre à construire une stratégie économique solide. « Aujourd'hui, tous sports confondus, le modèle est le PSG. C'est un club qui a densifié sa structure commerciale tout en construisant son projet sportif. Il est passé de quatre à trente-cinq commerciaux, et a multiplié par quatre ses revenus de jour de match en l'espace de quatre ans. Aujourd'hui, le PSG est le seul club qui a un ratio de revenus jours de matches de 20 % par rapport à la globalité de ses revenus. C'est ce qui se fait partout ailleurs dans le monde. Tous les autres clubs français sont plutôt à 10 % », détaille Antony Thiodet. D'autres clubs, comme Nantes en handball, Gravelines-Dunkerque en basket ou encore La Rochelle en rugby sont d'autres exemples de clubs qui travaillent bien. « Ce qui compte d'abord et avant tout, et ce qu'ont oublié de nombreuses disciplines pendant des années, c'est qu'il faut développer les ressources primaires, à savoir la billetterie. Ce n'est qu'en remplissant les salles et les stades que les clubs peuvent ensuite développer des partenariats. La Ligue nationale de handball (LNH), qui nous a missionnés, s’emploie à créer des réflexes dans les clubs afin de continuer à développer ces ressources primaires ».


La LNH forge un modèle durable


« Les clubs doivent écouter leurs clients »


Malgré les succès récents de l’équipe de France masculine, le volley-ball tricolore doit absolument se réinventer (© Icon Sport)


« Les clubs ne doivent plus s'adresser uniquement à leur cœur de cible et aux supporters fidèles qui, eux, viennent de toute façon. Les clubs doivent séduire un public plus large », poursuit Antony Thiodet. « Mais le tout n'est pas simplement d'avoir un stade neuf ou une salle plus grande. Si vous vendez plus de stock d'un produit dépassé, cela ne sert à rien. Il faut vendre une véritable expérience, une émotion, au spectateur. Mais pour cela, les clubs doivent écouter leurs clients ». C'est justement en attirant de plus en plus de monde dans les salles et dans les stades qu'il sera alors possible de nouer des partenariats solides, autre chantier important du sport professionnel français. « Concernant le sponsoring, justement, beaucoup de clubs cherchent gros, en oubliant les petites entreprises qui ont un grand besoin d'exposition en termes d'image. Ce sont ces entreprises qui constituent le cœur de l'économie française et qui doivent, demain, être également le cœur de l'économie du sport professionnel français ».