Découverte

Sports urbains

Sports en ville : plaisirs et performances à l'air libre

Écrit par : Hugo Lebrun

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Le parkour, intégré à la Fédération française de gymnastique, peut espérer devenir olympique un jour… (© Hugo Lebrun / Hans Lucas)

Skateboard, rollers, parkour, cross fit, workout… En solo ou entre amis, de nouvelles communautés de sportifs autonomes ont trouvé leur point d’équilibre en marge des circuits associatifs et fédéraux. Des pratiques flexibles, libres, économes au sein de villes, qui désormais doivent composer avec de nouveaux enjeux d’aménagements urbains.

Ça roule, ça saute, ça glisse… De tout temps, la rue a été le berceau du sport. Au-delà des mythiques foot et basket, une douzaine de sports ont su trouver leur place au sein des métropoles. Le skateboard, apparu dans les rues américaines durant les années 70, continue son émergence 50 ans après, tandis que d’autres disciplines comme le street workout, le cross fit, ou le parkour ne cessent de croître à l’air libre. En solo ou entre amis, de nouvelles communautés de sportifs ont trouvé leur point d’équilibre de manière totalement indépendante. Bien qu’il soit impossible de quantifier les sportifs autonomes, les chiffres du ministère des Sports indiquent malgré tout que 46 % des pratiques sportives se dérouleraient hors cadre fédéral.


La rue comme terrain de jeu


Le street workout, une discipline qui allie puissance physique et technique (© Hugo Lebrun / Hans Lucas)


Les quais, les rues, les parcs sont de plus en plus investis par ces nouvelles familles de sportifs. Jean-Michel, 38 ans, se muscle sur des structures de street workout depuis 7 ans en complément de la boxe en salle. « Ce qui me plaît, c’est de pouvoir pratiquer n’importe où et n’importe quand, avec en plus le plaisir de l’air libre ». D’autres détournent la rue comme un terrain de jeu et d’exploration. C’est le cas notamment du parkour, comme l’explique Flore Magnier, traceuse de 25 ans : « Mon plaisir dans le parkour, c’est de se réapproprier l’espace public et de se permettre des choses qu’on ne fait pas dans la vie normale ». Un point commun aux sports de glisse qui allient vitesse et adrénaline… Auriane Daries, 29 ans, classée parmi les 6 meilleures Françaises en street va plus loin : « La rue, c’est l’essence même du skate. C’est là où il s’exprime le mieux. Tu peux aller où tu veux, slalomer entre les gens… Tu as un autre rapport à la ville ; j’ai comme l’impression d’être détachée de la société ».


Des enjeux d’aménagements urbains


La rue, l’essence même du skateboard… (© Hugo Lebrun / Hans Lucas)


Problème, cette liberté s’arrête aussi sous les fenêtres des riverains qui ne voient pas toujours d’un bon œil certaines nuisances liées à ces pratiques. « Skateboarding is not a crime » (« Faire du skateboard n’est pas un crime »). Dans les années 90, ce slogan d’une célèbre marque de skateboards donnait déjà un indicateur de ce qui est devenu aujourd’hui un véritable enjeu d’aménagement urbain. Natacha Gourland, agrégée de géographie, a travaillé sur la question des corps sportifs en ville : « Ces sports questionnent les usages de la ville. Aujourd’hui, des structures se développent partout. Ça irrigue les villes et le quotidien des citadins, avec, au-delà du loisir, un enjeu de santé publique et de cohésion sociale ».



Du sport gratuit, pour tous, dans des espaces publics. Un enjeu d’intérêt public que les villes doivent appréhender. Gaylord Le Chequer, adjoint au maire en charge de l’aménagement et de l’urbanisme à la ville de Montreuil (Seine-Saint-Denis) explique les défis pour une municipalité : « On a longtemps aménagé les villes avec des espaces dévolus aux voitures et à toutes les nécessités de déplacements. Aujourd’hui, l’enjeu est de retravailler sur un meilleur partage des usages, car on ne peut pas nier la forte demande des activités sportives en ville, d’autant que des espaces publics délaissés deviennent parfois des zones de non-vie ou, dans les pires des cas, de non-droits ». Côté sportif, reste à savoir si ces pratiques libres sont autosuffisantes pour accroître leur développement sur d’autres échelles, notamment au travers de compétitions. « Les deux formes, la pratique libre et fédérale, peuvent coexister sans problème », résume Jean-Michel. « C’est même un atout, chacun peut pratiquer comme il veut, où il veut, en fonction de ses objectifs ». Le parkour qui a été intégré à la Fédération française de gymnastique peut envisager par exemple de devenir un jour discipline olympique, comme l’ont été avant lui le BMX ou le skateboard…


Plus d’une douzaine de disciplines


Le street workout vu par Brandon, 20 ans



« Le workout, c’est une discipline de musculation et de gymnastique en plein air. Un sport qui allie à la fois puissance physique et technique, pour pouvoir réaliser des figures. C’est une discipline où l’on travaille uniquement avec le poids de son corps. Ce qui me plaît dans la pratique en plein air, ce sont les sensations de liberté qu’on ressent. On est à l’air libre, on y vient à l’heure qui nous plaît. On y trouve parfois des personnes habituées des lieux, mais aussi des gens qu’on ne connaît pas. La rue, c’est un espace ouvert, chacun vient avec ses objectifs. Quand il y a du monde, il y a toujours de l’émulation qui nous pousse à nous dépasser… »


Le skateboard vu par Auriane Daries, 29 ans



« Je skate depuis une quinzaine d’années. Aujourd’hui, je suis 6e au classement national street. Une discipline que je pratique entre 15 et 20 heures par semaine. Je ne me déplace jamais sans mon skate, ça fait partie de moi. Ce que j’aime, c’est qu’on en fait où on veut, quand on veut… La glisse, la vitesse… ça me procure des sensations physiques de liberté très fortes. Quand je suis sur mon skate, j’ai une vision panoramique de la ville, j’ai l’impression d’être détachée du monde qui m’entoure, je suis dans ma bulle. C’est un moyen différent d’appréhender une ville, et de s’approprier l’espace urbain. En dehors du « street », il y a aussi la pratique dans des skate parcs que beaucoup de villes commencent à mettre à disposition. C’est une pratique différente qui plaît beaucoup, mais qui ne remplacera jamais la saveur particulière de la rue… »


Le parkour vu par Flore Magnier, 25 ans



« Le parkour, c’est l’art du déplacement. Un sport nature qui mêle la gymnastique à l’acrobatie, et dont le charme est de se servir de la rue comme d’un terrain de jeux infini. Un traceur, c’est comme un enfant : il découvre le mobilier urbain, explore son terrain de jeu, se réapproprie l’espace public en se permettant des choses qu’il ne ferait pas en dehors de sa pratique, dans une société où tout nous est indiqué. L’intérêt de ce sport, c’est qu’il allie la puissance, la technique et la coordination, en connectant directement le corps avec le cerveau. Il y a une recherche de maîtrise de ces éléments et de ses émotions face au vertige, à la hauteur, face à la peur parfois. C’est aussi une discipline instinctive où chacun cherche son « flow », à savoir une manière de se déplacer limpide et naturelle. Il existe des associations et une fédération qui encadrent cette pratique, d’ailleurs je suis moi-même coach dans une association. Mais, personnellement, je préfère pratiquer de manière libre avec qui souhaite me suivre ! »